Résumé du livre d’Il’ja Lemeškin «Portrait de Francisk Skorina. Еn commémorant le 550e anniversaire de sa naissance (1470–2020)»

Илья Лемешкин – Ilja Lemeškinas – Il’ja Lemeškin. Портрет Франциска Скорины. К 550-летию со дня рождения книгоиздателя (1470–2020) / Pranciškaus Skorinos Portretas. 550-ąsias gimimo metines minint (1470–2020) / Portrait de Francisk Skorina. Еn commémorant le 550e anniversaire de sa naissance (1470–2020). Vilnius-Prague: Institut national de langue lituanienne; Cercle linguistique de Prague, 2020 (Travaux du Cercle linguistique de Prague nouvelle série, vol. 10). 300 p. ISBN 978-609-411-266-9, ISBN 978-80-87269-58-9.

Le chercheur contemporain n’a à sa disposition qu’un nombre très limité des originaux du portrait de Francisk Skorina, imprimé dans l’esprit de la Renaissance à Prague en 1517-1518. Six exemplaires seulement en subsistent dans sa Bible ruthène, trois dans «Le Livre de sagesse de Jésus, fils de Sira» ou «Livre de Ben Sira le Sage», tirage daté du 5 décembre 1517, trois d’autres dans «Les Quatre Livres des Règnes» ou «Quatre Livres des Rois», tirage daté du 8 octobre 1518[i]. Ils constituent deux versions : 1517b, avec une mouche à cinq pattes ; 1518, sans mouche. Jusque dans les années 1970, il subsistait encore un septième exemplaire, aujourd’hui perdu, tiré à partir de la même planche. Ce dernier avait été découvert pour la science en 1884 et était conservé à la Bibliothèque nationale de Russie (cote 1.5.4 a / 1) ; maintenant, il est porté disparu. L’exemplaire perdu appartenait à une version particulière, *1517a, caractérisée par le petit détail significatif que la mouche s’y tenait sur toutes ses six pattes.

La version *1517a, à la mouche à six pattes, pouvait servir d’épreuve, d’essai à l’usage unique ou à un tirage limité, tout cela jusqu’au 5 décembre 1517 ; par la suite, elle pouvait être diffusée à des fins représentatives, en dehors de la Bible ruthène, comme une feuille séparée, offerte en souvenir. Après la suppression d’une des pattes de la mouche, la version suivante, *1517b, a servi à l’impression de l’ensemble principal des exemplaires du «Livre de sagesse de Jésus, fils de Sira», effectuée le 5 décembre 1517. Dans «Les Quatre Livres des Règnes», effectués le 8 octobre 1518, on a supprimé la mouche toute entière aussi bien que la combinaison alphanumérique mz. Telle est donc la séquence de transformations *1517a > 1517b > 1518 qu’a subies la même planche xylographique.

Il est primordial que le chercheur contemporain, en analysant l’appareil d’illustration de la Bible ruthène, soit bien familiarisé avec la critique des sources, et connaisse toutes les versions et impressions du portrait de Skorina, afin de ne confondre l’original authentique avec des reproductions du XIXème siècle. Ces dernières ont eu des conséquences néfastes pour les études sur Francisk Skorina. En fait, plusieurs générations de scientifiques ont été aveuglées par la première description du portrait xylographique de F. Skorina réalisée par I. M. Snegirev en 1830. Le fameux professeur de Moscou ne s’appuyait hélas pas sur l’original mais sur une copie gravée par A. A. Florov, qui avait considérablement déformée non seulement le dessin, y compris pour la physionomie de Skorina, mais aussi le texte identifiant la personne représentée.

L’éditeur Skorina avait l’habitude de placer sa xylographie «personnelle» toujours dans le dernier des cahiers à 4 feuilles, au recto de la dernière des feuilles. Il faut en déduire que son portrait n’accompagnait pas tous les fascicules imprimés de sa Bible. La facture de la pliure aussi bien que la disposition des cahiers, au début ou à la fin du livre, dépendaient de l’environnement où le livre était supposé fonctionner. On imagine facilement que l’éditeur ne se servait pas de son portrait que dans une partie relativement faible du tirage, dans les exemplaires qui, à l’égard du lecteur envisagé, étaient conçus pour, et diffusés parmi des personnes sensibles aux manifestations laïques et individualistes de Skorina ; il ne peut pas être exclu qu’il s’agissait alors de dons accompagnés de l’effigie de l’éditeur.

Compte tenu des pratiques éditoriales des XVème – XVIème siècles, nous ne pouvons pas souscrire à la vue d’un éditeur courageux faisant preuve d’une audace exceptionnelle à force d’imprimer son portrait dans les Saintes Écritures. Une telle vue ne serait justifiée que si le portrait laïque de l’éditeur était présent dans la totalité du tirage, ce qui n’est point le cas. Qui plus est, les exemplaires ayant subsisté jusqu’à nos jours nous incitent à réfléchir sur les raisons de l’usage inégale du portrait. La grande disproportion entre le total des fascicules préservés de la Bible ruthène et le total des portraits de l’éditeur, qui y sont contenus, nous mène à la conclusion que le portrait accompagnait beaucoup plus souvent «Le Livre de sagesse de Jésus, fils de Sira» que «Les Quatre Livres des Règnes». Cette disproportion s’explique par la fonction que remplissait la gravure dans chacun des deux livres bibliques pris à part.

La classification des gravures de la Bible ruthène, utilisée couramment aujourd’hui, en distingue trois sortes : portraits, gravures thématiques et dessins explicatifs ; or elle est à recuser comme erronée et infructueuse, parce qu’elle confond de manière flagrante les notions de genre et de type. Dans la série de livres imprimés par Skorina entre 1517 et 1520, toutes les gravures appartiennent au genre d’illustration biblique – hormis une seule exception, qu’est le portrait de Skorina. Il est impossible de mettre dans le même panier ces deux genres-là. Dans «Le Livre de sagesse de Jésus, fils de Sira», nous avons sous nos yeux non pas une gravure biblique destinée à l’enseignement dogmatique, pas plus qu’une icône à la grecque, ou une parsuna à la moscovite. C’est un portrait tchèque du premier quart du XVIème siècle, que nous devons interpréter comme les autres portraits de la même époque.

Au sein de l’appareil d’illustration de la Bible ruthène, nous appliquons un critère fondamental, le degré d’individualisation de la personne représentée, à l’aide duquel nous distinguons trois groupes : 1) portraits individuels représentant une personne particulière; 2) portraits cryptiques représentant des personnes particulières sous formes des personnages bibliques; 3) des illustrations générales sans aucune, ou avec une très faibles individualisation. Les grands protagonistes de l’Ancien Testament sont toujours rendus de manière fort générale, voir schématique ; leur individualisation aurait été jugée inappropriée. En guise de protagonistes de «rang inférieur» du récit biblique, on découvre souvent des personnages historiques réels : les rois Sigismond Ier de Pologne, Georges de Bohême (Jiří z Kunštátu a Poděbrad), Ladislas II de Bohême (Vladislas Jagiellonský), Louis II de Bohême et de Hongrie (Ludvík Jagellonský), l’empereur Charles Quint, le pape Jules II… C’est grâce à l’insertion des portraits cryptiques et à la transposition des scènes bibliques dans l’environnement contemporain de Prague gothique, que la Bible ruthène bénéficie d’un effet d’actualisation à la fois littéraire et psychologique. Or le plus haut degré d’individualisation est atteint dans le portrait de Skorina lui-même.

La tradition tchèque de représenter des particuliers était encore un incunable au début du XVIème siècle ; en Bohême, le portrait privé profane (Privatporträts) vient tout juste de naître. En fait, le portrait imprimé dans la Bible ruthène en 1517 et 1518, est le deuxième portrait dument daté de la Renaissance tchèque et le premier portrait connu à ce jour d’un bourgeois ; il est précédé de peu d’années seulement du portrait privé de Ladislas de Šternberk (Vladislav ze Šternberka), chancelier du Royaume de Bohême. Ne pouvant pas encore puiser dans l’expérience de ses prédécesseurs, le portraitiste anonyme de Skorina devait constituer localement un canon pictural neuf. Ce faisant, il s’appuyait sur les principes qui guidaient alors ses contemporains, les artistes de la Renaissance du Nord, maîtres flamands et allemands des XVème – XVIème siècles.

En procédant à l’interprétation du portrait de Francisk Skorina, le chercheur contemporain doit partir du fait que le public de la Renaissance de Nord était habitué à lire les peintures au sens littéral du mot. Dans les portraits du XVIème siècle, le public attendait, cherchait et, de règle générale, trouvait des formules courantes indiquant : 1) l’année de création du portrait, 2) l’âge atteint alors par la personne représentée ; 3) son nom et sa profession. Les artistes tchèques suivaient la tradition de la Renaissance du Nord, en accompagnant leurs œuvres de syntagmes du type Anno… Ætatis svæ…, ou de leurs variantes en langues vernaculaires.

En conséquence, lors de l’analyse de l’œuvre de 1517, nous devons choisir pour notre point de départ, non pas ce que nous pouvons lire en raison de notre expérience et de nos préférences individuelles contemporaines, mais sur ce que nous devrions y voir en vertu du canon de portrait tchéco-allemand de l’époque. Le destinataire du portrait du XVIème siècle avait des attentes précises ; et le portrait lui-même, structuré d’une manière claire, avait un caractère fonctionnel et documentaire. Le «consommateur» de l’époque, ayant sous ses yeux trois insertions textuelles, dont l’une nommait la personne représentée et l’autre indiquait l’année de la création du portrait, percevait également de manière appropriée la troisième composante textuelle. Ainsi le portrait de Skorina est daté sur l’écriteau placé en haut:  = 1517. La tablette volumineuse, posée sur le sol, comporte des informations standardisées sur la personne représentée : dwktor 〜 фrancisk7 〜 skwrin. La dernière composante textuelle, obligatoire du point de vue du genre, doit donc indiquer l’âge de Skorina au moment du portrait : mz = 47 ans. Sans cette indication d’âge, le portrait serait incomplet, et l’ensemble des informations requises paraîtrait fragmentaire ; la signification de l’écriteau planant dans l’air ne serait pas claire. Un contemporain éclairé de Skorina, guidé par la poétique du genre, lisait : > mz > dwktor 〜 фrancisk7 〜 skwrin « en 1517, à l’âge de 47 ans le docteur Francisk Skorin ».

Néanmoins, le portrait de notre éditeur représente un cas unique parce que, sans raison technique apparente, deux éléments importants ont été supprimés de la planche xylographique (1517b > 1518) : un texte d’accompagnement ( mz) et un signe graphique de fond, signe iconique, à savoir une mouche. Aucune autre gravure n’a subi de modifications aussi radicales et aussi cohérentes quant au contenu. Les transformations de la planche xylographique doivent être considérées dans le plus large contexte. Il est absolument impossible de penser que l’insecte ait été supprimé en raison d’un défaut technique, d’une fissure de la planche, car celle-ci était bien intacte. Plus important encore, les détails supprimés doivent être examinés dans leur rapport mutuel à la lumière du genre.

La raison du changement réside dans la multifonctionnalité du matériel de l’impression : la même planche xylographique était utilisée dans plusieurs circonstances, sur plusieurs registres du genre et avec différents accompagnements textuels appropriés. Dans «Le Livre de sagesse de Jésus, fils de Sira», le portrait privé, même stylisé comme saint Jérôme, porte un ensemble d’informations assez standard pour ce genre : en 1517, à l’âge de 47 ans, le docteur Francisk Skorin. En termes de composition, le portraitiste a paraphrasé avec succès la gravure magistrale d’A. Dürer de 1514 Der heilige Hieronymus im Gehäus «Saint Jérôme dans son étude». Sur la gravure, dwktor ”rancisk7 skwrin, qui a traduit la Bible en ruthène, prend la pose et s’entoure des mêmes objets que le saint Jérôme de Dürer.

Dans «Les Quatre Livres des Règnes», la même gravure fonctionne selon une clé légèrement différrente : elle représente saint Jérôme. C’est pour cette raison-ci que dans la version ultérieure de la planche xylographie (1518), les traits caractéristiques du portrait privé sont nivelés : le code alphanumérique et la mouche ont disparu. A cause de la mouche posée sur le folio, l’image de Skorina se sécularisait, ce qui était particulièrement important lors de l’impression d’un portrait privé dans la Bible. C’est grâce à cette insecte banal que l’artiste disait : c’est un personnage digne de la mémoire humaine, digne d’un portrait, mais en aucun cas un saint. L’éditeur, à son tour, s’est ainsi écarté des soupçons de sacrilège. Dans le cas de Saint Jérôme, cela n’était pas nécessaire.

Dès le début, le portrait de notre éditeur était censé fonctionner de deux manières, selon l’appartenance confessionnelle et selon les compétences linguistiques du destinataire. Premièrement, comme une gravure biblique représentait saint Jérôme (1518) ; dans ce cas-là, certains textes accompagnants le portrait devaient être rendus illisibles, et le visage-même, moins individualisé. Deuxièmement, la gravure pouvait être perçue comme un portrait privé courant du docteur Skorina, 47 ans (*1517a, 1517b).

Ainsi, en fonction de l’appartenance à la fois confessionnelle et culturelle du lecteur (catholique latin ou grec orthodoxe), aussi bien que de ses compétences linguistiques (instruit ou non dans l’écriture cyrillique ornamentale, pleine d’agencement et de ligatures), la xylographie pouvait, si on le souhaitait, être un portrait tout à fait standard d’un docteur en médecine de 47 ans, mais aussi une gravure biblique représentant l’illustre docteur de l’Eglise. Cette dualité était prédéterminée par le fait que l’auteur de la planche xylographique s’était inspiré de la gravure d’A. Dürer «Saint Jérôme dans son étude», 1514.

Toutefois, le portrait de l’éditeur, paraphrasant une des gravures de Meisterstiche de Dürer, a ses propres valeurs artistiques et singulières. Son potentiel artistique extraordinaire se révèle par un autre détail – la présence d’une mouche dans ou sur le coin droit en bas de la feuille. Ce détail-là ne doit rien au hasard, étant tout à fait intentionnel. Dans le portrait de Francisk Skorina on voit une noble créature de la famille musca depicta, du point de vue de l’esthétique artistique des XVème – XVIème siècles. Les maîtres flamands, italiens et allemands de l’époque ont laissé un grand nombre d’œuvres sur lesquels figure une mouche.

Dans l’art gothique, la musca depicta se trouvait non seulement sur des tableaux, mais aussi sur des feuilles enluminées de la Bible, p. e. Liber biblie domini Conradi Magistri Monete, 1402–1403. Chez Skorina, on assiste à une combinaison de genres : portrait privé et marginalia sur les feuilles des Saintes Écritures. Les mouches de Renaissance se distinguaient par leur grande variété, due au rôle qu’elles jouaient dans ou sur l’image. Dans la Bible ruthène, nous somme confrontés à un trompe-l’œil : la musca depicta est assise sur une feuille de livre. En dévisageant le portrait de l’éditeur, le lecteur devait décider si la mouche était assise dans son bureau de Prague en 1517, ou si elle était juste venue s’assoir sur le folio 82r, dans son coin droit en bas, sali par les doigts de nombreux lecteurs précédents. Par rapport à la peinture, la technique de xylographie offrait un avantage significatif : la grosse mouche pouvait non seulement s’assoir sur la feuille imprimée, bouger sa patte (*1517a, 1517b), mais aussi s’envoler avec élégance (1518). Et c’est tout à fait évident puisque on ne peut pas forcer une mouche vivante à rester assise au même endroit sur le folio 242r dans «Les Livres des Règnes» et aussi sur le folio 82r dans le «Le Livre de sagesse de Jésus, fils de Sira». Il est possible qu’ici, pour la première fois, une ébauche du principe de (zoo)cinéographie est réalisée, en créant une illusion optique de mouvement sur papier – à la façon de l’animation contemporaine.

Grâce à la musca depicta, la série des livres bibliques imprimée à Prague fait partie des œuvres uniques de la typographie cyrillique ainsi que de l’art de Renaissance. Ce moyen artistique raffiné accentue la grande maîtrise de l’artiste et pénètre à travers les paléotypes dans l’art de l’imprimerie et de la peinture du Royaume de Bohême et du Grand-duché de Lituanie.

L’artiste qui a créé le portrait de Skorina en 1517 est traditionnellement désigné par le nom conventionnel «Maître IP» (= «Monogrammiste IP»). Cette hypothèse, introduite dans la circulation scientifique par P. Voit, est basée sur une interprétation controversée du mystérieux digraphe qui, accompagnant les initiales N F, se trouve sur la marque typographique de M. Konáč de Hodíškov de 1516. Cependant, ce «monogramme» peut être lu autrement, c’est-à-dire comme une combinaison de lettres majuscules I L. Dans ce cas-là, la séquence de lettres N F I L renvoie à la signature traditionnelle de l’éditeur N[icolaus] F[initor] I[n] L[acu]. La lecture continue des éléments textuels de la marque de Konáč semble être beaucoup plus convaincante, et par conséquent, la recherche d’un artiste aux initiales IP est aujourd’hui considérée comme sans perspectives.

L’identification du «Maître IP» comme étant tel ou tel artiste du début du XVIème siècle reste jusqu’à présent controversée et spéculative. Quelques particularités artistiques révèlent une certaine ressemblance avec le style artistique du «Maître de l’autel de Litoměřice». En revanche, la présence et la touche expressive du trompe-l’œil renvoie plutôt à l’artiste Bartoloměj Trnka de Český Krumlov. S’appuyant sur la typologie d’individualisation de portraits, sur la manière de représenter les nuages, les contours héraldiques, etc., on peut identifier quatre œuvres de la Bible ruthène comme émanantes du «Maître IP» : 1) Le portrait de l’éditeur lui-même ; 2) «Notre-Dame couronnée la reine des cieux» dans le «Cantique des Cantiques de Salomon» (09/01/1518) ; 3) «Le Seigneur Tout-puissant» dans la «Sagesse de Salomon» (19/01/1518) ; 4) «Jérémie se lamentant» dans les «Lamentations» (1519).

En ce qui concerne l’atelier où la Bible ruthène a été imprimée à Prague entre 1517 et 1520, y compris pour le portrait de Skorina, il faut le localiser dans l’imprimerie du marchand Severin, là même où avait été imprimée, en août 1488, la Bible de Prague dont Skorina se servait. L’imprimerie se trouvait non loin de la place du marché (au nord-ouest), à l’arrière de l’Hôtel de ville (Staroměstská radnice). On peut donc donner l’adresse exacte du lieu de d’édition du portrait de Francisk Skorina : Cité Ancienne de Prague (Cité Majeure de Prague, à partir du 30 août 1518), Marché de volaille (Place de la Cité Ancienne / Place Saint-Nicolas), maison « Au croissant doré ». Cette maison-là était en possession ininterrempue d’imprimeurs tchèques du 8 avril 1484 au 4 novembre 1554. A la fin de l’an 1833, lors du défrichage du site pour la construction de l’aile néo-gothique de la mairie, le bâtiment a été démoli.

Dans les annales de l’art européen de Renaissance, Skorina est célébré comme un éditeur audacieux et progressiste. Les décisions artistiques de Skorina ont largement contribuées au développement d’un nouvel art. Dépassant l’étape des portraits à caractère votif, qui représentaient des aristocrates-donateurs agenouillés dans les compositions religieuses (en second plan, de profil ou même de dos), l’art du livre, par la diversité typologique et variété d’interprétations qu’il offre, a donné naissance à un genre autonome neuf, entièrement laïque.

La Bible ruthène affiche l’évolution du portrait à l’époque de la Renaissance. Dans la série des livres de l’Ancien Testament, nous pouvons remarquer la transition progressive de l’image de profil (sur la gravure «Le Seigneur Tout-Puissant») au portrait de trois quarts. Cependant, Skorina a été le premier de regarder nous, les lecteurs, directement dans les yeux. Pour cette raison, l’image de profil (ringarde et rétrograde) d’un Skorina «moustachu», qui malheureusement a été généralisée dans la phaléristique bélarussienne, doit être considérée comme inappropriée.

 

[i] Dans la tradition latine, il s’agite de « L’Ecclésiastique » dans le premier cas, dans le second, de « Premier et Deuxième livres de Samuel » et « Premier et deuxième livre des Rois ».